Compte rendu réalisé par Maria Cristina Bascu, Irene Fiasconaro, Federica Isabella Monticciolo, Davide Russo, Flavia Spadaro, étudiant-es de première année en Laurea Triennale Lettere e Culture Moderne et Mediazione Linguistica e Interculturale, édité par Fabian Giecold, lecteur d’échange à l’université La Sapienza di Roma.

Le 25 octobre, le palais Farnèse, siège de l’ambassade de France, a accueilli une rencontre organisée par l’Institut Français, dans le cadre d’un cycle consacré à l’intelligence artificielle et aux transformations sociales et culturelles que celle-ci engendre.

Les invités de cette rencontre étaient le journaliste Luca De Biase et l’écrivain de science-fiction Alain Damasio, auteur de Vallée du Silicium (éditions du Seuil, 2024), dans lequel il retrace son voyage dans la Silicon Valley et analyse l’impact des nouvelles technologies sur la société.

Dans ce livre, Damasio décrit son expérience comme un voyage à la fois dans le futur et au « centre du centre » de notre monde. Il commence par relater sa déception une fois arrivé dans cet endroit qui, à cause de sa laideur et de son design banal, monochrome et aseptisé, provoque de la tristesse. Cet endroit est également décrit comme un lieu de fortes inégalités économiques et ethniques. En outre, le monde dont l’écrivain nous parle a sacrifié une partie de son humanité. Il s’agit d’un monde virtuel dans lequel il est possible d’interagir avec les autres sans contact direct et où les postures, les habitudes et l’anthropologie humaine ont été profondément modifiées. « Le méta-univers est un concept qui éloigne chacun de nous de la réalité sensible, et le but de cette machine utopique est précisément de nous en éloigner au point de transformer tous les êtres humains », affirme l’écrivain. 

Damasio a ensuite récapitulé les principales technologies qui ont changé notre vie depuis une vingtaine d’années :  tout a commencé avec la naissance d’Internet, réseau mondial de circulation de l’information ; puis est venu le smartphone, un « objet-monde totalitaire » qui a peu à peu envahi nos vies, jusqu’à l’arrivée de l’intelligence artificielle générative, qui permet la création de nouvelles images, de nouvelles procédures et de nouvelles idées et a déjà commencé à gouverner notre monde. Damasio souligne que cette innovation présente des risques, notamment celui de remplacer le travail humain. Concernant ce dernier point, l’auteur a expliqué comment l’IA pourrait devenir une véritable personne, notre meilleur ami futur, avec lequel nous pourrions parler, ou un système dont l’homme deviendrait bientôt dépendant, car il aurait la possibilité de lui déléguer tous les travaux les plus complexes.

À ce moment, Damasio a estimé nécessaire de nous confier son inquiétude, c’est-à-dire que l’homme puisse perdre son autonomie. Il a insisté sur l’importance de l’éducation numérique chez les enfants comme chez les adultes afin d’éviter l’auto-aliénation et la perte de contact avec la réalité. Il a aussi souligné que le but des nouvelles applications est toujours de maximiser notre dépendance. En effet, elles sont conçues par des équipes de psychologues qui font appel à l’économie de l’attention de manière à attirer le plus d’utilisateurs possibles grâce à leur biométrie, qui peut accéder aux données personnelles et comprendre les goûts individuels. De cette façon, les utilisateurs deviennent des victimes inconscientes de ces outils de contrôle, à l’instar du « panopticon » de Bentham : la pensée et le comportement sont ainsi fortement influencés, notamment grâce à l’emploi des « nudges ».

A la fin de la rencontre, les étudiants présents ont eu la possibilité de poser des questions à Alain Damasio, afin de comprendre au mieux son point de vue et d’entendre ses conseils à la jeunesse, particulièrement vulnérable face à cette nouvelle réalité. En particulier, Alain Damasio les a invités à ne pas avoir peur, à expérimenter et à comprendre les possibilités de l’IA, qui fait désormais partie intégrante de notre monde. Il leur a surtout conseillé d’essayer de se séparer par moments de la technologie, de commencer à vivre sans elle, sans cette « commodité » qui peut rendre chacun incapable de faire même les choses les plus simples. 

Les jeunes qui sont nés dans l’ère du numérique doivent apprendre à se déconnecter de temps en temps et à distinguer ce qui a un effet positif sur leur évolution psychique de ce qui est négatif et destructeur : dans un monde bouleversé par la technologie, Alain Damasio a souligné l’importance de s’arrêter et de penser par soi-même. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Alain Damasio a commencé à écrire des œuvres de science-fiction : grâce à ce genre littéraire, il est absolument libre de créer ce qu’il veut par la seule puissance de son imagination et il peut également se servir de l’écriture pour dénoncer les problèmes de notre monde.